Tout le monde a à l’esprit ce scandale sanitaire qui a éclaté dans les années 2010. Le fondateur de la société PIP, feu Jean-Claude MAS, fabriquait des prothèses mammaires avec un silicone industriel. Ce dernier est normalement utilisé dans la composition d’équipements électroniques. Il aurait du utiliser un gel spécifique autorisé et pour lequel il avait obtenu une certification pour sa commercialisation.
État des lieux de l’indemnisation des victimes des prothèses PIP
Au total, entre 2001 et 2010, près d’un million de prothèses mammaires ont été vendues au mépris des normes sanitaires.
Si le fondateur a été condamné, sur le plan pénal, à 4 ans de prison ferme et 75.000 € d’amende par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence pour tromperie aggravée et escroquerie ; compte tenu du nombre importants de victimes recensées dans le monde – 400 000 actuellement – se pose nécessairement la question de leur indemnisation.
Sur ce point, peu de victimes ont été indemnisées à ce jour.
En effet, la société PIP a indemnisé, par l’intermédiaire de son assureur, près de 4.500 victimes françaises ; ce dans la limite du plafond de garantie fixé à 3 millions d’euros.
Cela représente une indemnisation de 460 € par victime, ce qui est extrêmement faible au regard de la gravité du préjudice subi par de nombreuses patientes.
L’assureur ne pouvant pas indemniser au-delà de son plafond de garantie, la société PIP étant liquidée et son fondateur décédé, quelles possibilités restent offertes aux victimes pour être indemnisées ?
La réponse à cette interrogation va probablement évoluer prochainement tant cette affaire risque de connaître de nouveaux rebondissements sur le plan judiciaire.
Évolution de la situation
En effet, sur le plan pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 10 octobre 2018 (pourvoi n°15-26093) dans lequel elle estime que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le bureau certificateur n’avait commis un manquement à son devoir de surveillance. Cela lui aurait permis de déceler, notamment par l’analyse de la comptabilité, que les quantités de gel de silicone Nusil acquises par la société PIP étaient manifestement sans rapport avec le nombre d’implants mammaires vendus.
Autrement dit, la Cour de cassation considère que la responsabilité du bureau certificateur – la société TUV – ne pouvait être écartée par la Cour d’appel sans avoir analysé au préalable si elle avait les moyens de savoir que le gel Nusil était utilisé pour les prothèses mammaires à la place du silicone validé par le certificateur.
Un nouveau procès verra donc le jour pour déterminer la responsabilité pénale de la société TUV, ce qui ouvre la voix à une indemnisation pour toutes les victimes par les juridictions pénales.
Il n’est pas non plus exclu que les victimes puissent être indemnisées par le fonds de garantie, que ce soit en saisissant la CIVI ou le SARVI en fonction de la gravité du préjudice.
La responsabilité de l’État
Par ailleurs, récemment, la responsabilité de l’Etat a été reconnue le 29 janvier 2019 par le Tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil, n°1800068) pour le retard pris par l’AFSSAPS pour déceler la dangerosité des implants mammaires.
Le Tribunal considère qu’à compter du mois d’avril 2009, l’agence a eu connaissance des données de matériovigilance pour l’année 2008 faisant apparaître une augmentation importante des incidents dont de nombreuses ruptures de membranes.
Ainsi, la juridiction administrative considère qu’entre avril 2009 et le 18 décembre 2009, l’AFFSAPS s’est abstenue d’agir de sorte que la responsabilité de l’Etat est engagée pour les prothèses PIP posées durant cette période.
A ce jour, aucune juridiction ne s’est prononcée en faveur d’une responsabilité totale ou partielle de l’Etat. On peut légitimement penser que la deuxième hypothèse sera privilégiée, comme en témoigne la position du Conseil d’Etat dans l’affaire du Médiator.
Affaire à suivre. Maître Natacha HALEBLIAN se tient à votre entière disposition.