L’expertise médicale en dommage corporel

L’expertise médicale occupe une place centrale dans l’indemnisation du dommage corporel. Elle constitue le pivot de l’évaluation médico-légale des séquelles d’une victime, permettant au juge, à l’assureur ou au fonds d’indemnisation de quantifier les préjudices selon la nomenclature Dintilhac. Sans expertise, il n’existe aucune base fiable pour indemniser.

Cadre juridique de l’expertise médicale

Procédure amiable et procédure judiciaire

L’expertise peut être :

  • Amiable (organisée par l’assureur, le Fonds d’indemnisation, l’ONIAM, etc.)
  • Judiciaire (ordonnée par un juge : référé-expertise ou expertise dans le cadre d’une instance au fond)

Elle repose sur :

  • Article 232 du Code de procédure civile :
    « Le juge peut ordonner une mesure d’instruction légalement admissible si la preuve ne peut être rapportée autrement. »
  • Articles 238 à 248 CPC : droits et obligations de l’expert, déroulement, contradictoire, rapport.

La Cour de cassation rappelle régulièrement la valeur déterminante du rapport d’expertise, tant judiciaire qu’amiable, dès lors qu’il respecte le contradictoire :

But de l’expertise : éclairer le juge et chiffrer les préjudices

L’expertise médicale vise essentiellement à :

  • décrire les lésions initiales,
  • retracer l’évolution médicale,
  • déterminer les séquelles,
  • fixer la date de consolidation,
  • évaluer les préjudices selon la Nomenclature Dintilhac.

Elle permet notamment la fixation de :

  • déficit fonctionnel temporaire et permanent (DFT / DFP),
  • souffrances endurées,
  • préjudice esthétique,
  • préjudice d’agrément,
  • pertes de gains,
  • assistance par tierce personne,
  • incidence professionnelle,
  • aménagement du domicile/véhicule,
  • préjudices futurs.

La consolidation, définie par la jurisprudence comme « le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, sans amélioration notable à attendre », constitue une étape majeure (Civ. 2e, 28 mai 2009, n° 08-17.277).

Déroulement de l’expertise médicale

Convocation

La victime reçoit une convocation mentionnant :

  • la date et le lieu,
  • l’identité de l’expert,
  • la possibilité d’être assistée (médecin-conseil, avocat).

Documents à fournir

Le dossier médical complet :

  • comptes rendus opératoires,
  • hospitalisations,
  • certificats,
  • examens d’imagerie,
  • attestations professionnelles,
  • factures…

Une bonne préparation du dossier change tout.

L’examen médical

La victime est examinée (mobilité, force, douleurs, cicatrices, tests) et questionnée sur :

  • les circonstances de l’accident,
  • les traitements,
  • les douleurs,
  • son autonomie,
  • sa vie professionnelle,
  • sa vie personnelle.

Respect du contradictoire

Le contradictoire est une exigence absolue.

Article 16 du code de procédure pénale :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. »

Clôture et observations

Avant la rédaction du rapport définitif, l’expert doit :

  • envoyer un pré-rapport (ou note de synthèse),
  • laisser aux parties un délai d’observations,
  • répondre à chaque observation dans le rapport final.

Les acteurs autour de l’expertise

L’expert médico-légal

Il est indépendant, désigné par le tribunal ou choisi d’un commun accord.

Le médecin-conseil de la victime

Il est utile et parfois indispensable pour les dossiers à fort enjeux ou avec une contestation médicale importante.


Il équilibre le rapport de force entre la victime et l’assureur.

Le médecin-conseil :

  • prépare la victime,
  • analyse le dossier médical,
  • débat des points techniques avec l’expert,
  • défend la prise en compte de tous les préjudices.

L’avocat

Il veille au respect de la procédure, pose les bonnes questions, prépare les observations, et organise la traduction juridique du rapport dans le cadre de l’indemnisation.

Les enjeux : un document clé pour l’indemnisation

Le rapport d’expertise sert de base :

  • à l’offre d’indemnisation de l’assureur (article L. 211-9 du Code des assurances),
  • à la décision du juge,
  • à la liquidation du préjudice corporel.

Il constitue donc l’outil principal pour chiffrer les préjudices, mais aussi pour démontrer l’imputabilité des séquelles à l’accident (parfois contestée).

Les points de vigilance pour la victime

  • Ne jamais aller seul(e) à l’expertise.
  • Préparer un “journal de bord” (douleurs, difficultés quotidiennes, arrêts de travail…).
  • Vérifier la mission de l’expert (si elle ne couvre pas tous les préjudices, demander une extension).
  • Contester les erreurs factuelles dans les observations au pré-rapport.
  • Se méfier des expertises unilatérales des assureurs (sans contradictoire).

L’expertise médicale est une étape cruciale dans l’indemnisation du dommage corporel : elle détermine la réalité du dommage, la date de consolidation et la valeur de chaque poste de préjudice.

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