L’indemnisation des militaires blessés au service relève d’un régime spécifique d’indemnisation qui prévoit une indemnisation forfaitaire basée sur l’allocation d’une pension militaire d’invalidité (PMI).
La jurisprudence a précisé la portée et les contours de ce cadre indemnitaire, permettant au fil des années de compléter l’indemnisation du militaire en allouant des sommes au titre de plusieurs postes de préjudices qui ne sont pas réparés par la PMI.
- Le cadre légal de l’attribution de la PMI
La pension militaire d’invalidité est attribuée aux militaires victimes d’infirmités ou de maladies imputables au service.
L’article L.121-2 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre pose une présomption d’imputabilité de la blessure au service, dans les cas qui suivent :
« 1° Toute blessure constatée par suite d’un accident, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ;
2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d’une expédition déclarée campagne de guerre, d’une opération extérieure mentionnée à l’article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d’affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ;
3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L.461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ;
4° Toute maladie constatée au cours d’une guerre, d’une expédition déclarée campagne de guerre, d’une opération extérieure mentionnée à l’article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d’affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers. »
Le militaire n’aura pas besoin de prouver l’origine du préjudice s’il rentre dans un de ces quatre cas, ce qui facilite l’ouverture de son droit à pension.
En effet, l’article L121-2-3 du même Code dispose que « La recherche d’imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d’incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l’objet de la constatation et l’infirmité invoquée. »
Une fois l’imputabilité démontrée, le militaire pourra prétendre à l’allocation d’une PMI si son taux d’invalidité est d’au moins 10%, par application des guides barèmes mentionnés à l’article L. 125-3.
Enfin, pour être attribuée, le militaire doit naturellement en faire la demande, comme le rappelle l’Article L151-2 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
- Les postes de préjudices couverts par la PMI et la réparation des autres préjudices
La PMI répare, à elle seule, plusieurs postes de préjudices qu’il n’est pas possible de solliciter devant les tribunaux, à savoir :
- La perte de revenus du militaire blessé durant toute sa vie active de militaire
- L’incidence professionnelle de l’incapacité physique ou préjudice de carrière
- Le déficit fonctionnel qui se caractérise par les douleurs permanentes, les troubles dans les conditions d’existences personnelle, familiale et sociale
- La perte de revenus futurs
La jurisprudence admet (arrêts Brugnot du 1er juillet 2005 et Hamblin du 7 octobre 2013) que le militaire blessé puisse demander un complément d’indemnité au titre des préjudices suivants :
- Souffrances endurées
- Préjudice esthétique
- Préjudice sexuel
- Préjudice d’agrément
- Préjudice d’établissement
- L’assistance par tierce personne si elle n’est pas couverte par la PMI
Pour une illustration, on peut se référer à un jugement du 26 février 2024 du Tribunal administratif de Poitiers (n° 2102233) :
« la pension militaire d’invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d’une part, les pertes de revenus et l’incidence professionnelle de l’incapacité physique et, d’autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l’ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, à l’exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d’agrément lié à l’impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d’établissement lié à l’impossibilité de fonder une famille. Si le titulaire d’une pension a subi, du fait de l’infirmité imputable au service, d’autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. »
Autre illustration, un arrêt de la CAA de BORDEAUX du 6 avril 2023, (21BX04583) qui confirme cette analyse :
« la pension militaire d’invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d’une part, les pertes de revenus et l’incidence professionnelle de l’incapacité physique et, d’autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l’ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, à l’exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d’agrément lié à l’impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d’établissement lié à l’impossibilité de fonder une famille. »
Par ailleurs, il est parfaitement possible de solliciter la conversion de la PMI en capital devant les tribunaux, permettant au militaire d’obtenir intégralement et en une fois l’indemnisation de ses préjudices.
Enfin, les militaires blessés en OPEX ou inaptes, peuvent bénéficier une indemnité du fonds de prévoyance (D. 4123-6-1 et suivants du Code de la défense).
Délais et voies de recours
La pension militaire d’invalidité est attribuée sur demande de l’intéressé et la date d’entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande, conformément à l’Article L151-2 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
Si le militaire blessé souhaite obtenir un complément d’indemnité au titre des postes de préjudices non couverts par la PMI, il dispose d’un délai de 4 ans pour agir contre l’Etat à compter de la date de consolidation.
Par ailleurs, il est important de rappeler que la notification d’une décision d’allocation ou de refus de la PMI fait courir un délai de deux mois pour introduire un recours devant les juridictions administratives.
Il faut donc être extrêmement vigilant sur les délais et voies de recours car, s’ils ne sont pas respectés, le militaire perdra définitivement son droit à indemnisation.
Si vous êtes militaire blessé, n’hésitez pas à faire appel à un avocat spécialisé pour obtenir l’indemnisation de vos préjudices.
Maître Natacha HALEBLIAN, Avocate spécialisée en droit du dommage corporel, traitant régulièrement des dossiers d’indemnisation pour des militaires blessés, se tient à votre disposition pour constituer votre dossier et obtenir la réparation intégrale de vos préjudices.

