En France, en 2023, trois femmes par jour étaient victimes soient de féminicide, soit se sont suicidées , soit ont tenté de se suicider.
Les médias français comme les institutions parlent toujours des femmes décédées sous les coups de leurs conjoints mais oublient de mentionner celles qui ont été poussées au suicide ou que leur partenaire ou ex-partenaire ont tenté de tuer.
La réalité des morts violentes au sein du couple correspond aux chiffres suivants :
- 96 femmes tuées
- 327 femmes victimes d’une tentative de féminicide
- 773 femmes victimes d’un suicide forcé ou d’une tentative de suicide forcé
Le reportage diffusé sur Netflix concernant le meurtre de Marie Trintignant par Bertrand Cantat a permis de mettre en lumière les violences son ex-femme Kristina Rady était victime, la poussant au suicide.
L’ouverture d’une enquête pénale par le procureur de la République sur le suicide de Madame Rady est l’occasion de faire le point sur le cadre légal actuel.
- La répression pénale du suicide forcé
Le suicide forcé est une forme de violence décrite par Evan Starck (2007) dans le cadre du contrôle coercitif. Lorsque le comportement de l’agresseur atteint un tel niveau de gravité, la victime perçoit le suicide comme la seule issue pour échapper à la violence. L’agresseur peut encourager implicitement ou explicitement la victime à mettre fin à ses jours, ce qui constitue une extension de la violence conjugale.
Le suicide forcé a été intégré dans le Code pénal en 2020 comme circonstance aggravante des violences dans le couple, dans la partie législative relative au harcèlement moral.
L’article 222-33-2-1 du Code pénal dispose que :
« Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail et de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ou ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté.
Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité.
Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. »
Le Code pénal réprime donc le harcèlement, forme de violence psychologique, qui conduit la victime à se donner la mort.
Alors même que l’on sait que les violences conjugales peuvent pousser au suicide, que les victimes de pervers narcissique y sont particulièrement exposées, les médias comme les institutions parlent peu et traitent peu cette forme de violence et donc cette infraction pénale.
L’enjeu de la caractérisation est à la fois de démontrer le harcèlement subi par la victime et son lien de causalité avec le suicide.
- Le féminicide par procuration : le meurtre des enfants conduisant au suicide forcé
Environ un quart des féminicides conjugaux à travers le monde impliquent le meurtre d’enfants. Dans ces situations, les meurtres d’enfants sont souvent prémédités, organisées et commis au moment de l’exercice des droits de visite, et ont pour but de se venger de se venger de l’ex-partenaire.
Ces infanticides peuvent être considérés comme des formes de féminicides par procuration.
Les enfants sont utilisés par l’agresseur pour atteindre leur ex-partenaire en lui infligeant une souffrance psychologique profonde.
Cette blessure est tellement dévastatrice qu’elle provoque souvent une sorte de « mort psychique » de la mère.
Dans une telle situation, la mère va avoir des idées suicidaires, la poussant parfois au suicide.
Dans la mesure où le désir suicidaire est déclenché par les actes et comportements de l’agresseur, on peut considérer qu’il s’agit d’un suicide forcé et que l’infanticide constitue un féminicide par procuration.
Maître Natacha Haleblian, Avocate spécialiste en droit du dommage corporel, formée aux violences conjugales, intervient régulièrement dans l’intérêt des victimes directes et indirectes de violences intra-familiales.
Si vous ou vos proches êtes dans une telle situation, il est important de ne pas rester seul(e) et de solliciter de l’aide afin de vous accompagner dans vos démarches et vos procédures.

