Le sort du chef d’entreprise en cas de divorce

Mieux
comprendre

La procédure de divorce va engendrer des conséquences légales et financières pour les époux.

Le chef d’entreprise n’échappe pas à ce constat et son divorce peut avoir un impact direct sur sa société.

Il est important de s’y préparer et de s’organiser pour ne pas mettre en péril son activité.

Pourtant, il est possible d’éviter que le divorce ait un impact sur la société du chef d’entreprise si celui-ci a fait les bons choix juridiques.

Le choix du régime matrimonial au moment du mariage pour anticiper les conséquences du divorce

Le choix du régime matrimonial au moment du mariage est une manière d’anticiper les difficultés et sécuriser votre entreprise.

Tout d’abord, si vous avez créé votre société avant le mariage, aucune difficulté ne devrait se poser; pas plus non plus si vous avez choisi de signer un contrat de mariage et d’opter pour le régime de la séparation de biens.

En effet, l’avantage du régime de la séparation de biens est que chaque époux conserve son patrimoine propre comme il décide ce qu’il met en commun.

Le choix du régime matrimonial doit être clair. À défaut, il sera appliqué le régime de la communauté, conformément à l’article 1402 du Code civil qui pose une présomption de communauté de tout bien meuble ou immeuble de la communauté.

À titre d’exemple, les parts ou actions de sociétés seront présumées être des biens communs dès lors qu’elles auront été acquises avec des fonds communs.

En cas de divorce et de liquidation de la communauté des biens, l’entreprise sera considérée comme un bien commun et partagée par moitié entre chaque époux. Le chef d’entreprise qui aimerait conserver sa société devra désintéresser son conjoint en lui rachetant ses parts, ce qui peut constituer un montant important. en lui versant le prix représentant cette moitié et donc trouver un financement souvent important.

Protéger son entreprise durant la vie de couple et anticiper les conséquences du divorce

Il est toujours possible, avant de se séparer, d’envisager un changement de régime matrimonial devant le notaire.

Vous pouvez ainsi signer un contrat de mariage en optant pour le régime de la séparation de biens. Le notaire se chargera de liquider le régime de la communauté au préalable.

Par ailleurs, si vous créez votre entreprise au cours du mariage et que vous êtes mariés sous le régime de la communauté, sachez que les revenus comme les dividendes et les revenus sont considérés comme des biens communs.

Vous pouvez néanmoins protéger votre entreprise en rédigeant une clause de remploi.

Ce cas de figure est possible lorsque l’entreprise a été créée pendant le mariage avec les deniers personnels de l’exploitant. Le conjoint non exploitant n’aura aucun droit sur l’entreprise.

La clause de remploi doit être établie chez un notaire pour confirmer l’origine du bien et sécuriser l’acquisition. Cette clause de remploi est remploi peut être réalisée par le chef d’entreprise seul et n’est pas subordonnée au consentement du conjoint non-exploitant lors de l’acquisition. Le consentement du conjoint sera requis uniquement si elle est faite ultérieurement.

L’impact de la structure juridique de l’entreprise au moment du divorce

Les sociétés de capitaux comme les SARL, les SA, les EURL, etc., le patrimoine personnel du conjoint exploitant et donc du couple, en fonction du régime matrimonial, est protégé : sa responsabilité étant limitée aux apports effectués à l’entreprise.

En revanche, dans le cadre d’une entreprise individuelle, le conjoint exploitant est responsable personnellement des dettes de son entreprise.

En effet, l’entreprise individuelle n’ayant pas la personnalité morale, il n’y a donc pas de distinction entre le patrimoine personnel et professionnel de l’entrepreneur.

Le conjoint non exploitant pourra se retrouver redevable des dettes de l’entreprise contractées avant le divorce, et avant que celui-ci soit prononcé, si son conjoint et l’entreprise sont insolvables.

Le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée « EIRL » est venu pallier ces difficultés qui est une structure intermédiaire entre la SARL et l’EURL.

Les conséquences du divorce sur le patrimoine de l’entreprise

Dans le cadre de la procédure de divorce, des mesures provisoires pourront être ordonnées comme l’occupation des locaux de l’entreprise par le conjoint.

Au terme de la procédure de divorce, il est possible pour l’un des époux, lors de la dissolution du régime matrimonial, de demander l’attribution préférentielle de l’entreprise (article 831 du Code civil) ou du local à usage professionnel (article 831-2 du Code civil).

Pour pouvoir bénéficier de cette attribution préférentielle, le conjoint doit être copropriétaire du bien dont il demande l’attribution préférentielle (article 833 du Code civil) et  doit participer à l’exploitation effective de l’entreprise dont il demande l’attribution (article 831 du Code civil).

Si plusieurs indivisaires demandent une attribution préférentielle de l’entreprise, le juge choisira celui qui aura la meilleure aptitude à gérer l’entreprise et à s’y maintenir (article 832-3 du Code civil). Un partage amiable reste toujours préférable. 

L’absence d’indemnisation du conjoint du chef d’entreprise qui a collaboré gratuitement au fonctionnement de l’entreprise

Depuis 2005, le Code de commerce prévoit la possibilité pour le conjoint du chef d’entreprise de se déclarer auprès des organismes habilités en qualité de conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé.

Cependant, cette déclaration n’est pas faite systématiquement et il arrive que le conjoint aide son époux chef d’entreprise sans être rémunéré pour sa participation à son activité.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que l’époux marié sous le régime de la communauté légale, ayant participé sans rémunération à l’activité professionnelle, ne subit aucun appauvrissement susceptible d’un enrichissement sans cause puisque les gains et salaires sont communs (Civ. 1ère, 17 avril 2019, N°18-15.486).

Le versement d’une prestation compensatoire par le chef d’entreprise à son conjoint

Si l’époux chef d’entreprise a pris des mesures pour protéger son activité professionnelle et sa société ; cela ne signifie pas pour autant que le conjoint n’aura le droit à aucune indemnité.

Le conjoint lésé pourra solliciter le versement d’une prestation compensatoire qui sera calculée en fonction de la disparité entre les revenus et situations respectives des parties, notamment patrimoniales.

Cela signifie que, dans le cadre du divorce, une valorisation des parts sociales pourra être réalisée, notamment par une expertise comptable, afin de déterminer la valeur des parts sociales et donc du patrimoine professionnel du chef d’entreprise.

En effet, les revenus et dividendes versés au chef d’entreprise, surtout dans le cadre d’une procédure de divorce, ne sont pas nécessairement révélateurs de la réalité patrimoniale du dirigeant.

Attention cependant au conjoint qui sollicite une prestation compensatoire alors qu’il détient la moitié des parts sociales du fait du régime matrimonial de communauté : la prestation compensatoire pourra lui être refusé en raison de ce patrimoine professionnel qu’il détient. Les conséquences peuvent s’avérer importantes.

En effet, il ne faut pas oublier que le temps de la liquidation du régime matrimonial est rarement contemporain au temps du divorce alors que le conjoint du chef d’entreprise peut avoir besoin de liquidités pour se reloger ou tout simplement refaire sa vie.

Il est donc important, préalablement à la procédure de divorce, de demander conseil à un Avocat sur les droits respectifs de chacun notamment sur les aspects financiers et patrimoniaux

Maître Natacha HALEBLIAN, Avocate intervenant en droit de la famille, se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous assister dans le cadre de votre divorce.